Parution de vidéos de piano solo
Ces vidéos précèdent la publication prochaine d’une série d’albums de piano solo dédiés à l’interprétation de standards de jazz.






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Parution de vidéos de piano solo
Ces vidéos précèdent la publication prochaine d’une série d’albums de piano solo dédiés à l’interprétation de standards de jazz.
Images créées en 2019 à partir de photographies du photoreporter Conrad Poirier (1912-1968)
Démarche de création pour le projet Conrad Poirier
Il y a trois composantes d’un document : contenu, forme et contexte. Le contenu correspond à la part abstraite, au signe, à l’essence, au signifiant, au fond et à l’objet du message, l’information et la connaissance qui visent à être transmises. Le contenu est ce qui est perceptible et interprétable comme véhiculant un sens. Il ne peut exister sans une forme qui en définisse ses limites temporelles et spatiales. Il n’a de sens que parce qu’il s’insère dans un contexte humain plus large. La dimension de la forme réfère quant à elle aux aspects du contenant, du format, de la structure, du signifiant, du support, de la manifestation, de la matérialité, de la technique, de l’inscription, de la trace et de la délimitation temporelle et spatiale du document. La forme correspond aux modalités de l’organisation intellectuelle et physique du contenu. La dimension du contexte réfère aux aspects sociaux et techniques (ce qui permet d’inscrire et de lire) ainsi que les métadonnées du document, soit les informations extérieures au document. Le contexte est le liant (humain, temporel, spatial, technique, etc.) entre le contenu et le contenant.
Les trois composantes (contenu, forme et contexte) s’articulent en quatre grandes strates définissant le document et son processus de constitution : expression, inscription, transmission et lecture. La première strate est l’expression, qui conjugue le signifiant et le signifié sous un mode spécifique (un média sonore, visuel, etc.) permettant au contenu de l’œuvre d’être exprimé. Ce contenu peut se manifester sous différentes formes et grâce à son inscription sur un support. La deuxième strate du document est l’inscription. L’inscription est la résultante de la fixation de l’expression du contenu sur un support. Le document est un artéfact, une inscription qui s’insère dans un système, un contexte de production et de consultation. Troisième strate, la transmission est l’organisation du document par son détenteur dans un ensemble, une structure ou un dispositif plus large qui permet la sauvegarde et la médiation de son contenu et de son contenant à travers le temps à des fins de réutilisation ultérieure. Il s’agit aussi de la temporalité du document qui débute dès le moment de sa création. Le niveau de la lecture est la consultation et l’interprétation, la réappropriation du contenu, de la forme et du contexte du document.
Lorsque je m’approprie les photographies de Conrad Poirier, il est possible de faire appel tant aux composantes qu’aux strates documentaires. Ainsi, j’utilise tantôt l’expression en superposant la signification des objets représentés dans les photographies pour faire émerger un autre sens que celui d’origine. J’utilise tantôt la forme de l’expression des photographies, c’est-à-dire l’exploitation de leurs qualités esthétiques en elles-mêmes sans nécessairement faire référence à leur signification. Il est aussi possible de faire référence au contexte d’expression et d’inscription des photographies. Par exemple, certaines des photographies de Conrad Poirier ont été prises lors de la fin de la Seconde Guerre mondiale ou représentent des personnes connues. On retrouve des clins d’œil à ces contextes culturels dans l’œuvre Richard Trenet, tant par le titre que par la superposition des personnages célèbres.
L’inscription fixe les caractéristiques de la photographie : le type de pellicule, le type d’appareil, le format de l’image, le développement, etc. sont autant d’aspects à exploiter dans l’usage créatif des archives photographiques. Par exemple, dans Saut en hauteur, j’ai mis en perspective les traces de la pellicule et du format d’image en laissant apparaître les bords et les inscriptions de la photographie d’origine.
La transmission est la dimension temporelle de la photographie. Elle se manifeste par les traces laissées par le passage du temps : les dommages qu’ont subis les photographies au fil du temps ainsi que les divers états par lesquels elles ont passé – notamment, dans le cas de Conrad Poirier, la numérisation et le traitement archivistique. La numérisation et la qualité du fichier numérique influent sur le contenu et la forme du document original, et ceci a une influence sur les utilisations. Par exemple, l’œuvre Photographe est réalisée à partir de copies numériques de piètre qualité, ce qui donne un grain spécifique à l’image. J’ai aussi exploité le contexte de transmission en intégrant dans certaines images les descriptions archivistiques des photographies.
Cette création est en soi une forme de lecture (au sens large) qui transpose les contenus, formes et contextes accumulés lors de l’expression, l’inscription et la transmission des œuvres de Conrad Poirier qui deviennent dès lors de nouveaux contenus et formes qui s’inscrivent dans un contexte actuel. Cette réutilisation de l’œuvre de Conrad Poirier se manifeste donc par de nouveaux documents qui ont leurs propres contenus, formes et contextes, mais qui, par un procédé de sédimentation, héritent aussi des composantes et strates de leurs états subséquents, certains visibles, d’autres disparus, révélant ainsi la richesse du dialogue entre passé et présent que permet l’exploitation des archives.
Musiques de Martin Gauthier et Simon Côté-Lapointe
Un voyage initiatique dans l’univers de l’artiste visionnaire Jean Pronovost, créateur d’œuvres hautement revendicatrices, où le symbolisme et la mythologie occupent une part très importante de son art. Nous y découvrirons son œuvre la plus achevée, le Sphinx, véritable pont temporel qui remet l’identité de l’homme en question.
Réalisé par Martin Mc Kay, produit par Igor Simonnet et narré par l’acteur Guy Nadon, le film relate tout le parcours créatif qui a mené à la naissance de cette sculpture évocatrice.
Visionnez ici le documentaire complet :
Inspiré par ses périples en Europe où le créateur a vu différentes représentations du Sphinx, cette figure importante de la mythologie millénaire agissait à l’époque comme gardien de la civilisation chez les Égyptiens. Ainsi,Pronovost convertit les attributs anciens de ce symbole pour l’incarner parfaitement dans la modernité. Un homme gigantesque, représentant l’avidité de notre société contemporaine, tient un lingot d’or dans sa main droite qu’il a dérobée au trésor public, tout en tenant, dans sa main gauche, le marteau de la Justice. Repose sous lui, un coffre-fort vidé de son contenu. Dans cette création, le Sphinx symbolise l’espoir, car il terrasse les excès de la bêtise humaine.
Cette pièce de 800 livres et démontable en 5 morceaux est composée essentiellement de bronze, de résine et d’acier. L’artiste a investi des milliers d’heures de dur labeur pour donner vie à cette colossale sculpture conçue entre 2009 et 2012.
Site web de Jean Pronovost : http://www.jeanpronovost.com/fr/nouvelles/le-sphinx-un-court-metrage-relatant-la-genese-dune-oeuvre-monumentale.html
La première du film a eu lieu le 26 octobre 2017 dernier au centre PHI.
Nouveaux vidéos et site web
[kote:welɛt] est un duo composé de Simon Côté-Lapointe au piano et de Jean-François Ouellet au saxophone. Ces deux improvisateurs, arrangeurs et compositeurs de haut calibre se réapproprient les standards de jazz à travers une démarche moderne et originale.
https://simonoliviercotela.wixsite.com/kotewelet
Congrès de l’Association des archivistes du Québec 2017
Je suis heureux de participer au 46ième congrès de l’Association des archivistes du Québec (AAQ) qui se déroule du 31 mai au 2 juin 2017. J’y ferai une présentation dans le cadre de la session ”En marge de l’archivistique : pratiques filmiques et vidéographiques comme moteurs théoriques et pratiques de la réflexion archivistique” avec Annaëlle Winand, Sonya Stefan et Guillaume Vallée.
Mercredi le 31 mai à 15h15 au Palais des congrès de Montréal
Les mutations technologiques et les développements numériques qui marquent notre société bouleversent nos rapports au temps, à la mémoire, à l’espace et à l’autre. Cette situation incite les chercheurs à repenser leur discipline sous un nouvel angle, à reconsidérer leurs objets d’études dans un contexte changeant, ainsi qu’à mettre en œuvre de nouvelles collaborations. Dans ce cadre, l’exploitation des archives par les artistes suscite de plus en plus d’intérêt, tant dans les milieux académiques qu’artistiques: là où il était question de patrimoine et de mémoire, c’est maintenant «l’archive» qui est interrogée dans sa qualité d’outil conceptuel pour penser les transitions du numérique.
Dans ce contexte mouvant, il s’agit d’explorer de nouveaux terrains pour l’archivistique afin de renouveler la réflexion et de nourrir les pratiques. De récentes études ont mis au jour l’intérêt de l’exploitation des archives par les artistes dans un cadre archivistique. Il a été démontré que ces créateurs mettent en lumière certaines caractéristiques et fonctions des archives, qui ne sont pas forcément prises en considération par les archivistes. De plus, certains archivistes appellent à une prise en considération des pratiques et disciplines en marge de l’archivistique pour comprendre les changements initiés par le numérique auxquels la discipline doit s’adapter.
En partant du point de vue de l’archiviste américain Rick Prelinger qui affirme que les pratiques les plus intéressantes dans la redéfinition de notre relation aux archives proviendront des pratiques en marge, que pourrait-on apprendre des artistes qui ont une relation aux archives dans leurs pratiques ? En adoptant un point de vue interdisciplinaire, cette conférence immersive propose d’instaurer un dialogue entre les différents acteurs réunis autour de l’archive, pour répondre aux interrogations actuelles des archivistes qui ne trouvent pas toujours de réponses dans le cadre traditionnel de leur discipline.
Simon Côté-Lapointe abordera la question de l’exploitation créative des documents audiovisuels d’archives numériques et en quoi celle-ci pousse les institutions et archivistes à repenser leurs moyens d’organisation et de diffusion sur le Web.
Guillaume Vallée abordera la question de l’artiste en tant que bricoleur et la relation qui existe entre ses différents dispositifs de création/diffusion et l’archive cinématographique, principalement au sein d’une scène audiovisuelle alternative.
Sonya Stefan parlera de sa pratique, qui mêle les médiums de la danse, du cinéma et des performances audiovisuelles, tout en mettant à l’honneur les défauts. Elle utilise des matériaux abimés de tous genres: des pellicules d’archives cinématographiques, des machines dysfonctionnelles et différents médias numériques trouvés sur l’Internet.
Consultez le programme complet ici : http://www.archivistes.qc.ca/images/congres/2016/AAQ_CONGRES_VF.pdf
43˚ 42′ 00″ 79˚ 24′ 58″ projeté au MUFF
Mon film 43˚ 42′ 00″ 79˚ 24′ 58″, film expérimental réalisé en 2016 à partir d’images filmées à Toronto, sera présenté jeudi le 18 mai prochain lors de la soirée d’ouverture du 12e Montreal Underground Film Festival!
Où ? : Bar Le Ritz PDB, 179 Rue Jean-Talon-Ouest, Montréal H2R 2X2
Quand ? : Jeudi 18 mai à partir de 20h.
Pour avoir un avant-goût du film, je vous invite à visionner le “teaser”…
Pour en savoir plus sur le MUFF:
Films expérimentaux créés à partir d’archives projetés au MUFF
Mon film « Couper Haut », film expérimental réalisé à partir d’archives, sera présenté jeudi le 19 mai prochain lors de la soirée d’ouverture du 11e Montreal Underground Film Festival!
Où ? : La Vitrola, 4602 St-Laurent, Montréal, http://lavitrola.ca/
Quand ? : Jeudi 19 mai à partir de 20h
Pour consulter le programme de la soirée d’ouverture : http://muff514.com/index.php/fr/2016/05/13/opening-night-soiree-douverture-2016/
Archives. Première Guerre mondiale. Des industries de guerre – usines de munitions, usines d’entreposage de pétrole, usines d’aviation, trains – des cargos, des pétroliers, des chenillettes britanniques qui progressent dans le désert en Syrie, trois bombardiers italiens, tirs de la défense antiaérienne à bord d’un navire britannique…
282 segments égaux, 71 mesures à 120 battements par minutes : Couper haut se veut une expérimentation de l’aléatoire comme générateur de la structure d’une œuvre, de l’aliénation des images rendues absurdes par la répétition et la linéarité, devenant par extension une critique de tout le mécanisme de la guerre.
Autre second film, « Cris et murmures » sera aussi présenté samedi le 21 mai dans le cadre du programme « Archive(s) » du MUFF.
Où ? : MICROCINEMA [ être], 6029a ave. du Parc (coin Van Horne)
Quand ? : Samedi 21 mai à 21h
Pour consulter le programme de la soirée « Archive(s) » : http://muff514.com/index.php/fr/2016/05/14/archives-3/
Amalgame pluridimensionnel de diverses textures sonores et visuelles qui met en relief la trace du passage du temps sur les documents archivés, triturés et glitchés, et les effets des transferts de support sur ceux-ci.
Pour en savoir plus sur le MUFF:
https://www.facebook.com/events/640235766129126/
La Divine Comédie est un film expérimental de Simon Côté-Lapointe réalisé en 2014. Cette section du site présente la démarche, les principales étapes de création et les documents de travail en lien avec ce projet.
Le film est une interprétation libre du texte du livre la Divine Comédie du poète Dante Alighieri. Conçue à la base comme une vidéo expérimentale, deux versions de l’œuvre ont été réalisées : une première version longue intégrale de plus d’une heure et une seconde version de vingt minutes condensée et construite à partir d’une trame plus narrative. La création de cette œuvre a été rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec.
Via la plateforme VHX, vous pouvez visionner en ligne et/ou télécharger les deux versions du film. La version longue totalise 1 heure 6 minutes alors que la version courte dure 20 minutes. Voir le site https://simoncotelapointe.vhx.tv/ pour plus de détails.
Acheter et visionner en cliquant ici
Le poète Dante veut rejoindre au Paradis son immortel amour Béatrice, qui est au Paradis depuis sa mort. Cependant, le voyage ne sera pas de tout repos. Aidé par son guide Virgile, poète lui aussi, il devra passer par l’Enfer et le Purgatoire, rencontrant monstres mythiques et personnages historiques tout au long de ce voyage surréaliste.
Adaptation du classique italien du 14ième siècle, la Divine Comédie est un voyage onirique sans paroles, une expérience exaltante mélangeant animation, art vidéo et imagination.
Le projet a subi de profondes modifications depuis sa mise en marche en janvier 2012. Ce que j’avais imaginé comme un vidéo expérimental combinant une prestation en direct s’est transformé graduellement en un film formé d’une structure plus narrative. En effet, lors de la rédaction du plan préliminaire, il m’a semblé nécessaire d’aller plus loin dans la conception des images.
Le vidéo est structuré en 3 grandes sections (Enfer, Purgatoire et Paradis) totalisant 47 scènes. Chaque scène est subdivisée en séquences qui peuvent comprendre un ou plusieurs plans. Il y a eu trois versions dans l’élaboration de cette structure qui constituait un canevas à la réalisation des images. La première est le plan préliminaire, résumant le livre. La deuxième est le storyboard. La troisième est la division chronologique.
À partir du plan préliminaire, j’ai écrit un storyboard, intégrant un aspect plus narratif que prévu au départ. Le résultat est donc un mélange oscillant entre des plans plus descriptifs (combinaisons de monstres animés, marionnette, figurants et décors) et l’aspect vidéo plus expérimental initialement prévu.
J’ai fait appel à Marcel Thériault et Martin Gauthier pour réaliser respectivement des toiles (décors peints) et élaborer des décors virtuels (utilisation des logiciels After effects et 3ds max). Le projet intègre des médias différents (l’animation 3d et l’ajout de séquences filmées de figurants) pour créer une richesse visuelle travaillée et diversifiée.
Une collaboration avec la marionnettiste Marcelle Hudon était prévue dès la première mouture du projet. L’idée étant de construire sur mesure une marionnette pour personnifier Dante tout au long du film. La marionnette est ajoutée par après dans les décors avec la technique d’incrustation (green screen).
Une recherche d’images de Dante a permis de circonscrire l’allure du personnage en particulier pour le costume de la marionnette, confectionné par Claire Côté.
Des images de marionnettes ont été sélectionnées pour fixer le style de la marionnette.
Quatre têtes interchangeables en argile ont été créées pour avoir un choix d’expressions différentes lors du tournage.
Ensuite, les têtes ont été recouvertes de papier mâché puis vidées. Le costume a pu être testé à cette étape.
Ne restait qu’à appliquer la patine sur les têtes. Le travail a été réalisé par Marcel Thériault.
Un travail de plus de deux ans fut ensuite nécessaire pour réaliser le film plan par plan en intégrant marionnette, figurants, monstres et décors. Les logiciels suivants ont été utilisés :
La technique du green screen a été utilisé pour la marionnette et les figurants. Plusieurs aspects de l’histoire ont dû être modifiés ou laissés de côté lors du tournage et de la réalisation des plans. Une fois les plans réalisés uns à uns, j’ai fait le montage en intégrant lors du processus l’aspect visuel plus expérimental.
La musique a été ajoutée sur les images par après. J’ai effectué quelques recherches sur la musique médiévale et des mélodies du Livre vermeil de Montserrat datant du 14e siècle ont été réarrangées et intégrées à la composition – voir la version longue du film à 18 minutes et 23m04sec ou écoutez l’extrait suivant.
LlibreVermell_complet
Cliquez ici pour télécharger la partition
Vous pouvez écouter un extrait de la pièce Stella Splendens in Monte (voir page 2 de la partition) interprétée avec des instruments médiévaux en cliquant ici.
La musique fut créée en combinant différentes techniques de compositions et de créations.
Réalisé en 2014-2015, le projet Archivoscope, archives et création émane d’une démarche exploratoire combinant différentes techniques de manipulation d’images et de sons provenant d’archives d’institutions québécoises. Les huit vidéos qui composent l’œuvre résultent d’autant d’approches différentes.
Note : Les textes présentés ici sont des extraits de l’article « Créer à partir d’archives : bilan, démarches et techniques d’un projet exploratoire », réalisé sous la direction d’Yvon Lemay et d’Anne Klein et paru dans le cahier de recherche « Archives et création : nouvelles perspectives sur l’archivistique. Cahier 2 ». Montréal, Université de Montréal, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI). Disponible à http://hdl.handle.net/1866/12267
En 2013, pour faire suite à la rédaction d’un article sur les archives sonores et la création, j’ai eu le désir d’élaborer un projet artistique qui placerait les archives au cœur du processus créatif. À travers une démarche créatrice expérimentale et exploratoire, j’y voyais l’opportunité de développer de nouvelles avenues de recherche entre création et archives.
En parallèle, ce nouveau projet continuerait à développer les techniques de manipulation du son et de l’image explorées dans le film La Divine Comédie, non pas dans une optique narrative, mais plutôt dans une forme qui s’approche de la vidéomusique. En devenant le matériau et le sujet, les documents d’archives prendraient une place centrale dans la création. Ils ne seraient pas en périphérie du propos, mais constitueraient le point de départ d’où s’engendrerait le reste de l’œuvre.
L’objectif fut fixé de réaliser huit courts métrages de cinq minutes créés à partir d’archives. Le projet pourrait ainsi être appréhendé et présenté tantôt comme des courts métrages distincts, tantôt comme un tout plus grand que la somme de ses parties. L’idée initiale étant que l’œuvre serait autant de tableaux abordant des techniques différentes de réutilisation des archives, chaque court métrage représentant un thème ou une ambiance soulignée par une esthétique unique. Archivoscope a été rendu possible grâce à une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec.
Tableau 1 – Regroupement, provenance, types et quantité de documents
Regroupement des documents et Titres des vidéos |
Provenance des documents (institutions) |
Types et quantité de documents |
VIDÉO 1. Montréal et la Grande Guerre
|
Musée McCord |
35 images fixes (documents textuels et cartes postales) |
Archives de la Ville de Montréal |
84 images fixes (photos en noir et blanc, affiches couleur et documents textuels) |
|
VIDÉO 2. 36 variations sur autant d’images |
Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal |
66 images fixes (photos en noir et blanc) |
VIDÉO 3. Mémoires asynchrones |
Archives de la Ville de Montréal |
1 document d’images en mouvement (16 mm, couleur, durée : 18m30s) |
VIDÉO 4. Couper haut |
Cinémathèque de plans d’archives de l’Office national du film du Canada |
2 documents d’images en mouvement (35 mm, noir et blanc, durée : 2m30s) |
VIDÉO 5. Cyberprimitivisme |
Cinémathèque de plans d’archives de l’Office national du film du Canada |
2 documents d’images en mouvement (35 mm, noir et blanc, durée : 6m30s) |
VIDÉO 6. Les tombeaux du temps |
Cinémathèque de plans d’archives de l’Office national du film du Canada |
3 documents d’images en mouvement (35 mm, noir et blanc, durée : 9m30s) |
VIDÉO 7. Cris et murmures ou La glossolalie du trompe-l’œil |
Service de gestion des documents et des archives de l’Université Concordia |
11 images fixes (photos en noir et blanc et couleur) 3 documents d’images en mouvement (noir et blanc et couleur, durée : 4m00s) 3 documents sonores (discours, 34m30s) |
VIDÉO 8. Incantations pour la fin du Temps |
Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal |
71 images fixes (photos en noir et blanc, gravures en couleur) |
Autre |
Phonothèque québécoise |
61 enregistrements sonores |
La modification du matériau visuel ou sonore constitue l’essence du travail de création à partir d’archives. Chaque technique est en soit une contrainte et détermine un cadre esthétique au rendu final. Dans cette section seront présentées les principales techniques de modification des archives explorées au cours du projet. Ces techniques découlent des caractéristiques inhérentes à la nature de chaque catégorie de documents. Par extension, je définis trois catégories principales de documents : les documents sonores, les images en mouvement et les images fixes.
Issues de la tradition électroacoustique (aussi appelée acousmatique), les techniques de base de modifications d’enregistrements sonores peuvent se diviser en cinq classes : modifications de durée, de timbre, de hauteur, de dynamique et d’espace. Le Tableau 2 donne un tour d’horizon des techniques de modification offertes par le numérique applicables à un segment (ou document ou échantillon) sonore.
Tableau 2 – Documents sonores : principales modifications possibles
Modifications de durée |
Modifications de timbre |
Modifications de hauteur |
Modifications de dynamique |
Modifications d’espace |
Accélérer et ralentir / contraction et étirement temporels Répéter / boucle Découper / montage |
Filtrer / modification du spectre sonore Inverser / inversion du signal sonore |
Augmenter et diminuer / transposition du son |
Augmenter et diminuer / modification du volume sonore |
Spatialisation sonore |
Toutes ces techniques peuvent être combinées par des manipulations successives selon différents ordres, de manière linéaire ou non. Elles sont rendues possibles grâce à des logiciels de montage sonore, des séquenceurs musicaux, des modules de granulation sonore et des processeurs d’effets.
Les images en mouvement (films ou vidéos) partagent sensiblement les mêmes caractéristiques que les documents sonores. Le Tableau 3 s’applique à l’aspect visuel seulement, l’aspect sonore ayant été traité plus haut. Quant aux images fixes, les mêmes modifications sont applicables sauf celles de durée. Encore ici, les techniques peuvent être combinées de différentes manières et selon une infinité de variantes.
Tableau 3 – Images en mouvement : principales modifications possibles
Modifications de durée |
Modifications spectrales |
Modifications de forme |
Modifications d’espace |
Accélérer et ralentir / contraction et étirement temporels Répéter / boucle Découper / montage |
Filtrer / modification des couleurs et de la luminosité Enlever une couleur / Incrustation |
Déformer et effacer / rétrécissement, allongement, flou, masque, etc. |
Spatialisation dans un espace 3d |
Première vidéo réalisée, j’avais pour Montréal et la Grande Guerre un corpus de plus d’une centaine d’images fixes – photos en noir et blanc, documents textuels, cartes postales et affiches couleur – de l’époque de la Première Guerre mondiale à Montréal. Les contraintes principales étaient de respecter le thème et de rendre les images fixes dynamiques. L’intention globale était ici de susciter l’émotion en immergeant le spectateur dans une ambiance créée par la mise en scène dynamique et la mise en valeur des qualités esthétiques des documents évocateurs de cette époque.
Technique utilisée tout au long de cette vidéo, la technique d’animation 2d permet d’animer des images fixes telles que des photos, affiches ou encore des documents textuels. Il est possible d’animer un élément isolé – préalablement découpé dans le logiciel Photoshop ou en incrustation (voir la description plus bas) – dans un espace bidimensionnel ou tridimensionnel, mais aussi d’animer une image en y définissant des points de déformation (Figure 1).
Un décor virtuel a été construit dans un environnement 2.5d à partir de photographies de la Commission des services électriques tirées des fonds et collections des Archives de la ville de Montréal [1]. L’expression 2.5d exprime l’idée d’images 2d disposées dans un environnement 3d. Il s’agit donc de découper des segments de photos et de les disposer dans un environnement virtuel 3d (Figure 2) dans lequel une caméra tout aussi virtuelle peut être animée. La caméra se « promène » dans le décor ce qui confère le mouvement. Une version surréelle du Montréal de cette époque est ainsi recréée.
Une autre des techniques spécifiques utilisées dans ce vidéo est la morphose (ou morphage) – plus communément appelée morphing – qui « […] consiste à fabriquer une animation qui transforme de la façon la plus naturelle et la plus fluide possible un dessin initial en un dessin final. » (Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Morphing) La métamorphose continue, rendue grâce à un effet de fondu enchaîné entre les photographies de visages de soldats, donne un effet d’animation flottant et fantomatique. La Figure 3 présente une capture d’écran de cette section qui inclut aussi des surimpositions d’autres éléments visuels textuels et photographiques.
Autre technique expérimentée qui se classerait dans la catégorie des utilisations indirectes, la transformation de documents textuels en sons. Il s’agit de convertir le fichier texte en sons grâce à un logiciel de synthèse vocale, sorte de robot pouvant lire un texte donné. Dans la vidéo, j’ai retranscrit en format numérique des textes de cartes postales d’époque (Figure 4) et d’un manuel de traduction destiné aux soldats. Il en résulte une voix robotique et monocorde rendant une distance émotive face aux mots.
La vidéo met aussi en valeur des éléments typologiques, calligraphiques et iconographiques superposés ou surimposés grâce à la technique d’incrustation (appelée chroma key ou green screen en anglais), technique qui consiste à enlever une couleur en la rendant transparente pour permettre la surimposition d’images différentes (voir Figure 3). Cette technique relativement courante dans toute production cinématographique a été fréquemment utilisée tout au long du projet.
Pour Montréal et la Grande Guerre, le son et la musique ont d’abord été créés. Parallèlement à cela a été découpée et isolée une quantité d’images en vue d’être animée. Les sections de la morphose et du décor 2.5d ont été ensuite créées séparément. Ensuite les différentes sections et animations furent combinées et travaillées sur la musique à l’intérieur d’une structure en trois parties thématiques : 1) introduction / la conscription, 2) développement / la guerre et 3) conclusion / l’armistice. Enfin, une partition de clarinette basse a été composée et enregistrée sur la trame sonore et des bruitages ont été ajoutés pour compléter l’ambiance globale.
Cette vidéo fut réalisée à partir de photos provenant de la Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal. La contrainte créative principale était de créer une vidéo de cinq minutes à partir de photos en noir et blanc – dont une série de photos toutes semblables de la construction du pont de Québec [2] – d’un intérêt visuel quelconque. Je me suis donc fixé comme objectif et règle de réaliser de courtes animations de 6 à 10 secondes qui exploreraient différentes esthétiques et, à l’instar de la vidéo précédente, différentes techniques d’animation 2d et 2.5d.
À la différence de la vidéo sur la Première Guerre, je voulais transformer les couleurs originales des photos. La technique utilisée tout au long de la vidéo consiste à assigner de nouvelles couleurs d’après la luminosité. Par exemple, tout ce qui est blanc devient rouge et tout ce qui est noir devient bleu (Figure 5).
Autre technique explorée, l’animation de certains éléments visuels était déclenchée par des ondes sonores. N’importe quel paramètre visuel peut théoriquement être assigné à réagir à l’impulsion (ou dynamique) sonore d’un fichier son donné. Chaque segment visuel a donc été assigné à un segment sonore pour générer l’interaction entre sons et images.
Des segments d’extraits audio de la Phonothèque québécoise ont été triturés à l’aide du logiciel libre de granulation sonore Soundgrain d’Olivier Bélanger qui permet de modifier en temps réel plusieurs paramètres (hauteur, durée, répétition, etc.) d’un fichier son choisi. Les résultats de ces expérimentations ont servi de base à la composition de la musique. Le même logiciel a aussi servi à la création des musiques pour les vidéos Les tombeaux du temps et Cyberprimitivisme.
La composition musicale a précédé l’animation. Chaque segment d’animation a d’abord été conçu un par un comme autant de courts métrages. Ils ont ensuite été montés sur la musique. Au final, la vidéo se veut une exploration ludique, surréaliste et éclectique des possibilités offertes par l’animation de photos d’archives.
Toutes les images utilisées pour cette vidéomusique sont tirées d’un court métrage promotionnel de 20 minutes de 1957 intitulé Montréal conservé par les Archives de la Ville de Montréal [3] et qui a été numérisé expressément pour le projet. De même, la trame sonore a été composée à partir d’extraits sonores de ce même film.
Un des défis que posait ce projet particulier était d’améliorer la qualité des images. En effet, la qualité du film était médiocre du fait du support original 16 mm (peu de définition d’image et détérioration due au temps) et au transfert numérique (pixellisation de l’image lors du transfert) : l’application d’un effet vidéo de réduction du bruit s’avérait une solution pour parer au problème. Des effets vidéo (flou bilatéral, coloration et contraste) ont été ensuite appliqués pour donner une texture plus patinée aux images. On peut voir plus bas une image avant et après le traitement (Figures 6 et 7).
Toute la trame sonore a été composée à partir d’extraits de la musique du film original. À la manière des disc-jockeys (ou platinistes), j’ai échantillonné, répété en boucles et superposé certains extraits musicaux – sans toutefois en altérer la nature – pour recomposer totalement ce qui est devenu la nouvelle trame sonore. Encore ici, l’utilisation d’un filtre réducteur de bruit fut nécessaire pour améliorer la qualité de l’enregistrement sonore.
À partir du mashup créé, des instruments virtuels ont été ajoutés pour composer la trame musicale, puis les images ont été montées sur la musique, un peu comme un clip vidéo – plusieurs effets d’accélération, de répétition, de ralentissement et d’inversion ont été appliqués aux images. Le montage a ensuite été raffiné, puis des parties pour saxophone alto et trompette ont été composées et enregistrées (Figure 8). Comme le suggère le titre, le résultat final donne une impression de dystopie surannée et ludique mélangée à la nostalgie de la mémoire d’une époque révolue, celle-ci étant opposée à un traitement, de par le montage, résolument asynchrone et moderne.
Quatrième vidéo réalisée, Couper haut se veut une expérimentation de l’aléatoire comme générateur de la structure d’une œuvre. La technique employée est inspirée du cut-up inventé par Brion Gysin en 1959 (UBUWEB Papers, http://www.ubu.com/papers/burroughs_gysin.html) ainsi que des expériences de composition aléatoire de John Cage. La contrainte, dans ce cas-ci librement imposée, consistait donc à créer à partir d’éléments combinés aléatoirement.
Deux films de l’Office national du film constituent le matériau de base : ils sont découpés en 282 segments égaux correspondant à 71 mesures de 4/4 à 120 battements par minutes, soit 2 images par secondes pendant plus de 2min 20 secondes. Un générateur de nombres aléatoires (Random.org, http://www.random.org/sequences/?mode=advanced) a permis d’obtenir une liste de chiffres (Figure 9) qui a ensuite servi à placer les segments en désordre pour constituer, avec le logiciel Vegas Pro, la base du montage (Figure 10).
Une autre idée était d’exploiter les notices de description de documents d’archives comme matériau générateur de l’œuvre. J’ai donc repris les textes de description de plans provenant de l’ONF et décrivant les deux vidéos – Battle for Oil et Canadian News – pour réaliser des animations textuelles qui viennent ponctuer en surimpression le montage des images (Figure 11).
Des boucles de segments répétés ont été faites d’après la séquence aléatoire initiale. La musique a été ensuite repiquée et composée d’après la trame sonore originale : des instruments virtuels et du bruitage ont été ajoutés. Enfin, les textes animés furent insérés. Le résultat final est une vidéo plutôt déroutante d’où émane l’aliénation des images rendues absurdes par la répétition et la linéarité, devenant par extension une critique de tout le mécanisme de la guerre.
Probablement la plus éclatée, cette vidéomusique basée sur trois films de l’ONF explore des effets visuels similaires au mashup et à la coloration ci-haut mentionnés, mais appliqués au vidéo et jouant avec le contraste noir et blanc / couleur. Le défi était une fois de plus de rendre intéressantes et dynamiques des images qui de prime abord ne sont pas d’un intérêt particulier.
Au niveau sonore, des extraits d’émissions de radio des années 1940 et 1950 provenant de la phonothèque découpés en microsegments et remixés sur une échelle temporelle métronomique fixe ont généré les sections de l’œuvre. À partir de la piste audio ainsi remixée, une boîte à rythmes a été calquée à l’aide d’une programmation MIDI [4] (Figure 12). Prenant la piste MIDI comme base, des parties pour trompette et clarinette basse ont ensuite été composées.
Peut-être la plus anarchique dans sa conception, Cyberprimitivisme a été conçue itérativement à travers plusieurs expérimentations de manipulation de sons et d’images. La musique a été composée en premier, puis le montage des images s’est effectué sur la musique et fut suivi d’une phase d’expérimentation de traitement de l’image, de techniques et d’effets visuels. En résulte une vidéomusique qui joue sur les contrastes entre couleurs et noir et blanc, linéarité et répétition, tension et détente. Le titre est un clin d’œil au néologisme « cyberprimitif » ainsi qu’au courant de peinture primitiviste. Enfin, le film suggère une critique de la technologie à travers une certaine aliénation des images.
Réalisée avec des images de trois courts métrages de l’ONF, la vidéomusique Les tombeaux du temps est construite essentiellement sur le principe de l’étirement temporel. Elle se veut une réflexion sur les images et les sons rendus « éternels » et atemporels par l’enregistrement sur un support.
Je fais ici une différence entre la notion de ralenti et d’étirement temporel, le ralenti étant l’effet obtenu en faisant la lecture d’un document vidéo ou audio plus lentement (par exemple à 8 images/secondes au lieu de 24 images/secondes), alors que l’étirement temporel consiste à ralentir et remplir, par un procédé de calcul informatique, les interstices entre les images filmées ou les échantillons musicaux. Il y a donc, dans le cas de l’étirement temporel et à l’opposé du simple ralenti, une modification de l’intégrité du document. Dans ce cas-ci, j’ai donc utilisé l’étirement temporel tant pour l’audio que pour la vidéo. Pour l’audio, le logiciel libre Paul’s Extreme Sound Stretch a été utilisé, alors qu’Avid Media Composer a servi à étirer la vidéo jusqu’à 2% de la vitesse originale.
La musique fut composée en premier à partir des trames sonores étirées des trois films originaux de l’ONF. Des images sélectionnées des trois films ont été ensuite étirées puis montées sur la musique. Il en résulte une œuvre lente et flottante comme une transe, aux images suspendues dans le temps qui rendent parfois toute la puissance d’évocation dramatique de certains plans d’archives.
Exploration des textures qu’offrent les différents matériaux, cette vidéo créée à partir des documents d’archives obtenus de Service de gestion des documents et des archives de l’Université Concordia met en valeur plusieurs types de documents : film, photos et enregistrements sonores.
L’intention de départ avec Cris et murmures était d’exploiter les possibilités offertes par les différentes techniques de glitch art. Le principe du glitch art est de modifier, de corrompre un fichier numérique par des moyens détournés :
« On savait déjà que les ratés du numérique pouvaient donner naissance aux expérimentations musicales les plus intéressantes. Aujourd’hui, les partisans du glitch art transforment les bogues en images fascinantes. » (Arte, Glitch http://www.arte.tv/fr/glitch/7524184,CmC=7503936.html)
Le glitch peut s’appliquer tant aux documents visuels que sonores. Les documents originaux présentaient déjà plusieurs glitchs – pixellisation des images, distorsions numériques sonores, etc. – dus au transfert de support. Il ne me restait qu’à exploiter cette manne. Plusieurs techniques ont été expérimentées, mais peu sont applicables dans l’environnement Windows. En effet, à la différence de Mac, Windows permet peu ou pas la lecture de fichiers « corrompus » ou dont le codage a été modifié de manière non conventionnelle. Cependant plusieurs logiciels et ressources en ligne dédiés au glitch ont été testés, mentionnons au passage Corrupt.Video, Pixel-Drifter, Satromizer, GlitchPatternGenerator_5, Unsigned mirror et img glitcher.
La principale technique retenue pour la vidéo, le scan glitch, consiste à déplacer un document lors de la numérisation à l’aide d’un numériseur pour créer des déformations (Figure 13). Étant donné que les documents reçus étaient en format papier, cette technique s’avérait particulièrement adaptée aux circonstances. C’est donc dire qu’il s’agit d’un triple transfert : le document ayant été une première fois numérisé puis imprimé par le service d’archives pour être par après numérisé de nouveau.
Prenant partie des photos qui m’avaient été transmises sur support papier, il apparaissait intéressant comme technique de filmer ces dernières pour leur donner du mouvement. Encore ici, il s’agit d’un triple transfert numérique-analogue-numérique qui est évocateur en soi du processus archivistique de conservation des documents.
Des archives orales – des discours de René Lévesque et de Sir George Williams et des extraits sonores des vidéos Computer Riot et Henry Hall-interview, le plus souvent joués à l’envers –, ont servi de base à la création de la trame sonore.
Une banque d’images fixes a résulté de la première étape de scan glitch des photos. Parallèlement, la musique a été composée à partir des extraits modifiés d’archives orales. À l’étape du montage, la division de l’écran en triptyque a permis de combiner les différents médias. Des instruments virtuels et de la trompette ont étoffé la trame sonore. L’aboutissant se présente comme un amalgame pluridimensionnel de diverses textures sonores et visuelles qui met en relief la trace du passage du temps sur les documents archivés et les effets des transferts de support sur ceux-ci.
Dernier opus, cette vidéomusique met en valeur les documents d’archives de Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal. Principalement composé de photos et de gravures, le corpus d’environ soixante-dix documents se prêtait bien à l’animation 2d, alibi pour expérimenter une fois de plus de nouvelles techniques.
L’image vectorielle se définit comme
[…] une image numérique composée d’objets géométriques individuels, des primitives géométriques […] auxquels on peut appliquer différentes transformations (homothéties, rotations, écrasement, mise à l’échelle, extrusion, inclinaison, effet miroir, dégradé de formes, morphage, etc.). Elle se différencie en cela des images matricielles […], qui elles sont constituées de pixels. (Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Image_vectorielle)
Dans cette vidéo, j’ai converti des images matricielles en format vectoriel en utilisant le logiciel Illustrator pour ensuite pouvoir les animer dans After Effect (Figure 14). Le vectoriel a l’avantage de ne pas subir de perte de qualité lors des modifications effectuées, ce qui m’a permis d’explorer plusieurs techniques (morphage, surimposition et masquage).
L’œuvre est conçue comme plusieurs segments s’emboitant les uns dans les autres. Chaque segment visuel a été d’abord travaillé un à la suite de l’autre puis des bruitages ont été ajoutés en direct sur l’image. Pour finir, des instruments (kora, piano à pouce, guitare et flûte) ont été inclus. L’ensemble hétéroclite, qui mélange gravures et photos avec plusieurs techniques d’animation, donne une impression surréaliste et hors du temps.
On voit que les possibilités de réutilisation des documents d’archives sont presque illimitées. En tant que créateur, les contraintes artistiques inhérentes à l’utilisation d’archives comme matériau premier combinées aux techniques actuellement permises par la technologie sont devenues pour moi le moteur de découvertes esthétiques nouvelles. De plus, les ambiances et les émotions qu’évoquent les documents d’archives, où toutes les traces du processus archivistique antérieur ajoutent à l’effet, participent d’eux-mêmes à l’enrichissement des œuvres créées.
Le Tableau 3 résume les principales techniques utilisées tout au long du projet :
Tableau 3 – Principales techniques par vidéo
Vidéo |
Principales techniques |
1. Montréal et la Grande Guerre |
· Animation 2d · Environnement en 2.5d · Morphing · Synthèse vocale · Incrustation |
2. 36 variations sur autant d’images |
· Coloration · Animation par le son · Synthèse granulaire |
3. Mémoires asynchrones |
· Réduction du bruit · Mashup audio |
4. Couper haut |
· Générateur de nombres aléatoires · Animation typographique |
5. Cyberprimitivisme |
· Montage rythmique, repiquage MIDI et partitions |
6. Les tombeaux du temps |
· Étirement temporel |
7. Cris et murmures ou La glossolalie du trompe-l’œil |
· Glitch art · Scan glitch · Photos filmées · Sons inversés (inversion du signal sonore) |
8. Incantations pour la fin du Temps |
· Animation vectorielle |
NOTES
[1] Voir le billet de blogue « Montréal et la Grande Guerre : une création audiovisuelle de Simon Côté-Lapointe » : http://archivesdemontreal.com/2015/05/14/montreal-et-la-grande-guerre-une-creation-audiovisuelle-de-simon-cote-lapointe/.
[2] Pour visualiser une partie des documents, voir le site Flickr de la Division https://www.flickr.com/photos/dgda/sets/72157644482400004
[3] Voir http://archivesdemontreal.ica-atom.org/film-promotionnel-montreal-1940-1960-surtout-1947-1958
[4] « Le Musical Instrument Digital Interface ou MIDI est un protocole de communication et de commande permettant l’échange de données entre instruments de musique électronique […] » (Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Musical_Instrument_Digital_Interface). Il est possible d’assigner n’importe quel son à une piste programmée en MIDI.
Cette section regroupe les vidéos réalisées à partir de 2010.